À rebours de ses voisins européens, la Grèce passe à la semaine de 6 jours de travail

Alors que de plus en plus d’entreprises expérimentent la semaine de travail de 4 jours en Europe, la Grèce prend le chemin inverse. Le 1er juillet 2024, une nouvelle loi facilitant le passage à la semaine de six jours de travail est entrée en vigueur. Les entreprises fournissant des services en continu (24h/24 et 7 jours sur 7) et celles déclarant une charge de travail importante peuvent désormais demander à leurs employés de travailler six jours par semaine, moyennant une majoration de salaire de 40% pour le sixième jour travaillé (et de 115% s’il s’agit d’un dimanche ou d’un jour férié).

La durée légale hebdomadaire est passée de 40 à 48h en Grèce.

De 40h à 48h de travail hebdomadaires

Concernant les modalités, les travailleurs peuvent choisir de répartir leurs 48h légales de travail (contre 40h précédemment) sur six jours ou bien d’augmenter la durée quotidienne de leur journée de travail sur cinq jours.

L’annonce de la réforme, en septembre 2023, avait déclenché une vague de contestations de la part de l’opposition et des syndicats ainsi que plusieurs manifestations à travers le pays.

Si le ministère du travail a pris la décision d’élargir le dispositif au-delà du secteur de l’hôtellerie-restauration, c’est principalement pour pallier les difficultés de recrutement des entreprises, mais aussi pour lutter contre le travail au noir, car de nombreux travailleurs non déclarés effectuent déjà des semaines de travail de six jours.

Enfin, le gouvernement entend aussi, par-là, augmenter la productivité des Grecs, à la traîne par rapport à celle des autres travailleurs européens : selon la Commission européenne, leur productivité nominale par heure travaillée se situe à un niveau inférieur à 40% à la moyenne européenne.

Quel lien entre le temps de travail et la productivité ?

Avant cette législation, la Grèce affichait déjà la durée moyenne de travail hebdomadaire la plus élevée de l’UE avec 39,8h, contre 36,1h de moyenne pour l’ensemble des pays de la zone. A titre de comparaison, la France détient une moyenne de 36h hebdomadaire de travail.

Mais quel est l’impact de la durée de travail sur la productivité des employés ? La plupart des études sur les effets de la semaine de 4 jours mettent en évidence des gains de productivité.

Dans un article d’octobre 2023, l’économiste Bruno Van der Linden, estimait que le passage à la semaine de quatre jours (32h) en Belgique s’était traduit par un accroissement de la productivité horaire des travailleurs. Mais soulignait également qu’il fallait voir si ce gain de productivité horaire compensait la perte de productivité totale au sein de l’entreprise et, si ce n’était pas le cas, envisager d’embaucher : « Si l’entreprise veut conserver le même volume de production et qu’il n’y a pas initialement de sous-utilisation de la main d’œuvre, il faut augmenter le nombre de travailleurs puisque chacun produit moins. »

Brève histoire du temps de travail en France

En France, la durée hebdomadaire légale du travail n’a cessé de décroître au cours du dernier siècle, de 40h en 1936 à 39h en 1982, puis 35h en 2000. Ces réductions de la durée collective du temps de travail couplées à l’instauration des semaines de congés payés et à une hausse marquée des emplois à temps partiel au début des années 1990 expliquent en grande partie la réduction de la durée de travail dans l’Hexagone.

Ainsi, si l’ensemble des salariés français travaillaient, en moyenne, 1 900 heures par an en 1950, depuis le début des années 2000, cette durée s’est stabilisée autour de 1 400h annuelles.

Quant à la productivité, si la France a longtemps été en tête du classement des pays de l’OCDE, elle accuse une perte de vitesse depuis 2004, qui s’est accentuée depuis la crise sanitaire. En cause, une croissance économique moins soutenue que l’évolution du taux d’emploi. Au deuxième trimestre 2023, le PIB français accusait, en effet, une baisse de 4 points par rapport à son niveau pré-Covid, tandis que le taux d’emploi avait progressé d’1,5 point entre fin 2019 et fin 2022.

À l’automne 2024, le premier test à grande échelle de la semaine de quatre jours débutera en France. Une nouvelle occasion de mesurer les effets de cette réduction du temps de travail hebdomadaire.

Maïté Hellio

 

Date de dernière mise à jour : 13/07/2024

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