Israël a donné son accord à la proposition de cessez-le-feu avec le Hezbollah émise par les Etats-Unis et la France, qui tombe à point nommé.
L'essentiel
Un accord de cessez-le-feu de 60 jours entre le Hezbollah et Israël a été proposé par les Etats-Unis et la France.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a annoncé mardi soir que son gouvernement donnait son feu vert.
Tous les acteurs de la région tirent profit de cette trêve, après plus d’un an de conflit entre le groupe armé et l’État hébreu. Tout le monde, ou presque.
EDIT du 27 novembre 2024 à 14 h 19 : Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah au Liban, négocié à l'initiative des Etats-Unis et de la France, est entré en vigueur ce matin. Un haut responsable du Hamas a salué mercredi le cessez-le-feu conclu au Liban et affirmé que le mouvement islamiste palestinien était lui aussi « prêt » à une trêve avec l'armée israélienne dans la bande de Gaza. De son côté, le Premier ministre libanais a annoncé que l'armée allait « renforcer son déploiement » dans le sud du pays, frontalier d'Israël, dans le cadre de l'application de l'accord de cessez-le-feu. Il a dans le même temps appelé Israël à « respecter » l'accord de cessez-le-feu et à se retirer du Sud. Des milliers de Libanais chassés par les hostilités entre le Hezbollah et Israël ont, eux, pris la route du retour mercredi.
Les Libanais vont reprendre leur souffle. Si les bombes continuaient de pleuvoir avec une intensité redoublée sur Beyrouth ces derniers jours, une trêve entre Israël et le Hezbollah a été officialisée mardi soir, comme l'a annoncé Benyamin Netanyahou, après l'approbation express par son cabinet « d'un cessez-le-feu au Liban dont la durée dépendra de ce qui se passera. [...] Si le Hezbollah viole l'accord et tente de se réarmer, nous attaquerons. »
Il faut dire que la proposition de faire une pause dans les hostilités, déposée par les États-Unis, conjointement avec la France, et qui prévoit théoriquement un arrêt des combats pendant 60 jours, tombe à point nommé pour nombre d’acteurs régionaux empêtrés dans un conflit, ouvert le 8 octobre 2023. Une bonne nouvelle, sauf peut-être pour la population palestinienne.
Comment Israël et ses alliés peuvent-ils profiter du cessez-le-feu ?
Après plus d’un an d’échange de tirs et deux mois de combats au sol au Liban, l’armée israélienne s’épuise. D’autant qu’elle est aussi mobilisée dans la bande de Gaza depuis la fin du mois d’octobre 2023, date qui a marqué le début de l’engagement de quelque 350.000 réservistes qui ont répondu à l’appel pour enfiler les bottes de militaires et prêter main-forte aux soldats. « Cette trêve pourrait permettre à au citoyens israéliens mobilisés de souffler un peu, dans l’attente de nouvelles actions à venir », juge Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FEMS) et auteur de Tsahal : Nouvelle histoire de l’armée israélienne (Perrin). Les pertes commencent à peser sur le front. Dans un bilan publié début novembre, relayé par L’Orient le jour, le Hezbollah affirmait avoir tué plus de 90 soldats israéliens et blessé plus de 900 depuis fin septembre.
Cette trêve permettrait par ailleurs à Washington de montrer que les États-Unis ont encore une certaine influence diplomatique sur l’Etat hébreu. Pour le 47e président américain élu, c’est un coup de pub pour son retour au pouvoir en janvier. « Il montre qu’il est capable d’exercer une réelle pression sur Benyamin Netanyahou et son gouvernement, même si la trêve ne résoudra pas la situation stratégique de la région », développe Pierre Razoux.
Une aubaine pour l’Iran et le Hezbollah
L’idée d’un cessez-le-feu avec Israël traînait dans les tuyaux du Hezbollah depuis plusieurs mois, selon Hugh Lovatt, chargé de mission au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord du Conseil européen des relations étrangères (ECFR). Et avec l’élimination de son chef Hassan Nasrallah en septembre ainsi que de nombreux chefs stratégiques, le groupe est affaibli.
Bras armé de l’Iran, il ne peut plus être brandi comme une menace sérieuse contre Israël et a besoin de temps pour se refaire. C’est pourquoi l’Iran voit aussi dans ce cessez-le-feu une opportunité de reculer pour mieux gagner en puissance, même si Netanyahou a affirmé que cette trêve allait lui permettre de « se concentrer sur la menace iranienne ». La République islamiste n’a jamais voulu entrer en guerre frontale avec Israël et ce cessez-le-feu est un bon prétexte pour éviter de répondre à la dernière attaque sur son sol,
D’autant que « les dirigeants iraniens sont entrés dans une logique de dialogue avec les Américains et les Européens sur le programme nucléaire et les équilibres régionaux », note Pierre Razoux. Cette pause des hostilités pourrait lui permettre de reprendre une grande respiration et avancer diplomatiquement.
Cap sur la bande de Gaza
Une trêve qui arrange tout le monde, ou presque. Dans la région, « les Gazaouis vont perdre un levier important pour négocier un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne », souligne Hugh Lovatt. Si les Etats-Unis, les Européens, ou encore le Qatar ont longtemps œuvré en faveur d’une trêve dans la bande de Gaza auprès d’Israël craignant une escalade régionale, si cette crainte disparaît, « il n’y aura plus de pression sur l’Etat hébreu dans ce sens », ajoute le chercheur.
La population du territoire perd également un soutien de poids. Car si le Hezbollah continuera à afficher en surface sa défense de la population palestinienne, en acceptant la trêve, il accepte en pratique la séparation des deux théâtres de conflit et le fait que la guerre à Gaza va continuer plus que jamais. Benyamin Netanyahou n'a d'ailleurs pas caché ses intentions : « Lorsque le Hezbollah est hors-jeu, le Hamas se retrouve seul. Notre pression va s'intensifier, et cela contribuera à la mission sacrée de libérer nos otages »
L’armée israélienne va pouvoir entamer son virage sécuritaire sur le territoire « en tentant de fracturer Gaza, créer des zones tampon, des corridors et ainsi mieux contrôler le territoire », complète Hugh Lovatt, convaincu qu’Israël « prévoit d’occuper la bande de Gaza ». Le chercheur craint ainsi que Benyamin Netanyahou ne réponde aux ambitions de ses ministres les plus extrêmes en échange de leur soutien au cessez-le-feu, à savoir développer davantage les colonies israéliennes en Cisjordanie et faire revenir des colons à Gaza.
Cécile de Sèze