Guerre en Ukraine: Comment Kiev recrute des agents doubles pour attaquer Moscou dans ses territoires occupés

Un an de guerre en Ukraine : les quatre armes déterminantes | Ministère des  Armées

Les forces de Kiev luttent contre Moscou sur la ligne de front du Donbass, mais également dans ses territoires occupés, dans une guerre bien moins médiatisée mais tout aussi vitale pour l'Ukraine.

Les armées ukrainiennes mènent depuis le début du conflit des opérations cachées à l'aide de leurs services de renseignement et leurs forces spéciales : un membre de ces unités a dévoilé auprès du média ukrainien Hromadske les méthodes de ces agents recrutés derrière les lignes de front.

Une guerre d'usure qui se prolonge

Malgré la conquête récente d'une partie substantielle de la région de Koursk par des forces ukrainiennes, la guerre entre Moscou et Kiev reste enlisée 30 mois après le début du conflit. L'avancée russe dans le Donbass, notamment en direction de la ville de Pokrovsk, s'est ralentie, tandis que les assauts des forces de Moscou pour reprendre ses territoires perdus ne sont pas encore parvenus à expulser les forces ukrainiennes.

Face à une guerre d'attrition où aucun des deux camps ne semble en mesure de l'emporter de manière décisive dans les prochains mois, l'Ukraine a mis en place une stratégie de frappes indirectes. À coups de missiles et drones, Kiev a ciblé ces derniers mois la marine russe peu à peu forcée d'évacuer la base de Sébastopol, ainsi que les installations pétrolières de Moscou. Malgré l'impossibilité pour l'Ukraine de reprendre ses terres dans l'Est et le Sud du pays, Kiev peut ainsi afficher quelques succès visant à affaiblir les sources de revenus russes ainsi que son contrôle de la Mer Noire.

La Russie applique en parallèle de son offensive une stratégie similaire, avec des assauts renouvelés sur les infrastructures électriques ukrainiennes, comme en 2022. Si cette offensive avait échoué à l'époque, la situation est tout autre en 2024 : les missiles et drones russes ciblent cette fois les centrales électriques ukrainiennes plutôt que le réseau d'approvisionnement.

Des agents recrutés dans les territoires occupés

Mais loin des frappes spectaculaires comme la destruction du dépôt d'armes russes à Tver le 18 septembre (Le Monde), les Forces d'opérations spéciales (CCO) mènent une guerre bien plus discrète, et tout aussi essentielle pour Kiev.

Sasha, un membre de ces unités d'élites, interrogé par Hromadske, dévoile les pratiques de ces forces spéciales. Ce soldat fait partie de l'armée depuis plus de deux décennies participe à la guerre contre Moscou dès 2014.

"Mon travail consiste à préparer les membres des mouvements de résistance à la reconnaissance, au sabotage, à la subversion et aux activités de guérilla dans les territoires occupés par la Russie", résume Sasha, dans le but d'"accroître le niveau de mécontentement à l'égard des autorités d'occupation".

Les tâches de ces agents sont variées, allant de taguer des graffitis pro-ukrainiens sur les murs à fabriquer des explosifs et faire sauter des ponts ou encore assassiner des soldats russes. Ces hommes sont recrutés principalement parmi les citoyens des territoires occupés ou en passe d'être occupés, dans le Sud et l'Est ukrainien, mais peuvent aussi être étrangers, selon les besoins.

Une double vie difficile à maintenir

Les "confidents", officiellement appelés "personnes impliquées", sont soumis à un processus de recrutement rigoureux. "Une telle personne n'est pas un militaire, elle ne prête pas serment d'allégeance au peuple ukrainien. Si elle tombe entre les mains du FSB [le service de renseignement russe, ndlr], elle sera considérée comme un espion. Nos confidents en sont conscients, et c'est leur choix conscient", résume Sasha.

Selon ce dernier, les potentielles recrues sont recherchées via différents canaux, comme le site de l'armée ukrainienne, avant de subir des vérifications approfondies pour éliminer les agents du FSB russe.

Les agents sont des personnes "patriotes et consciencieusement prêtes à accomplir les tâches du mouvement de résistance", nécessitant également des qualités comme "la résistance au stress, de la capacité à évaluer correctement la situation", ainsi que des compétences et connaissances liées aux missions qu'ils devront effectuer.

Mais la principale difficulté, au-delà de la mission à accomplir, réside dans la nécessité de garder le secret. "La relation du confident avec la famille est difficile", souligne Sasha : "la famille ne doit rien savoir". Il est parfois même nécessaire pour l'agent de travailler pour les autorités d'occupation russes et de devoir glorifier Poutine et la Russie dans le cadre de son activité.

Selon Sasha, un plan d'évacuation est par ailleurs prévu pour chaque agent, afin de le faire sortir en urgence du territoire occupé avec sa famille. Une telle mission comporte malgré tout de nombreux risques : les Russes capturent parfois des agents sans le savoir, notamment lors d'arrestations de masses lorsqu'ils occupent une nouvelle zone, ou parviennent à percer la couverture des membres du CCO, entraînant la mort des membres des forces spéciales.

Benjamin Laurent

 

Date de dernière mise à jour : 26/09/2024

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