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L’Algérie requiert dix ans de prison contre Boualem Sansal, 75 ans, atteint d’un cancer

Le parquet du tribunal correctionnel de Dar El Beida a requis 10 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation, notamment « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays« .

En cause, ses déclarations en octobre au média français Frontières, réputé d’extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume. » y déclare-t-il.

Le verdict sera prononcé le 27 mars dans ce procès intenté contre l’intellectuel, emprisonné depuis le 16 novembre à son arrivée à l’aéroport d’Alger.

Les relations franco-algériennes se sont fortement dégradées depuis la reconnaissance en juillet 2024 par le président Emmanuel Macron d’un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, au statut non défini selon les Nations Unies. Le pouvoir algérien multiplie les provocations à l’encontre de la France, entre autres en refusant de reprendre ses ressortissants sous le coup d’une OQTF.

Selon son avocat, François Zimeray, Boualem Sansal décide, le 17 février 2025, de commencer une grève de la faim pour dénoncer « les pressions exercées sur lui » afin qu’il prenne « un avocat non juif ». François Zimeray indique également que le protocole de soins pour traiter le cancer de Boualem Sansal est interrompu du fait de cette grève de la faim. Le bâtonnier d’Alger dément cette grève de la faim et affirme que François Zimeray n’est plus l’avocat de Boualem Sansal, « qui a choisi de se défendre seul« .

Pour Me Zimeray : « Un procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense, est incompatible avec l’idée même de justice. Cela confirme le caractère arbitraire de cette procédure et d’une détention aussi injuste que cruelle (…) Pour rappel, les autorités algériennes ont fait obstacle à toute communication entre l’écrivain et l’avocat de son choix, lequel fut la cible d’une campagne haineuse dans les médias et réseaux sociaux algériens, et à qui le visa pour l’Algérie n’a jamais été accordé. » Ces derniers jours, l’avocat a lancé une plainte contre l’Algérie devant les organes compétents du Haut-Commissariat des droits de l’homme aux Nations unies.

Il est certain que, compte tenu de l’âge – 75 ans – et de l’état de santé de Boualem Sansal, une peine de dix années de prison équivaut à une condamnation à mort.

Son roman Le Village de l’Allemand, sorti en janvier 2008, est censuré en Algérie, car il y fait le parallèle entre islamisme et nazisme. Le livre raconte l’histoire du SS Hans Schiller, qui fuit en Égypte après la défaite allemande et se retrouve ensuite à aider l’Armée de libération algérienne pour, finalement, devenir un héros de guerre et se retirer dans un petit village perdu. Le livre s’inspire d’un destin réel, découvert par la presse dans les années 1980.

En 2015, Sansal publie 2084 : La fin du monde, chez Gallimard, Grand prix du roman de l’Académie française. Ce roman de science-fiction, inspiré par 1984 d’Orwell, crée un monde fondé sur l’amnésie et la soumission à un dieu unique et où le pouvoir religieux extrémiste a lancé une nouvelle langue, l’abilang : « L’abilang n’était pas une langue de communication comme les autres puisque les mots qui connectaient les gens passaient par le module de la religion. »

L’auteur est devenu la bête noire du régime FLN depuis sa participation au Salon du livre de Jérusalem en 2011, qui a suscité de nombreuses critiques dans le monde arabe.

Le 23 janvier 2025, le Parlement européen adopte par une écrasante majorité une résolution pour condamner son arrestation et réclamer sa libération immédiate et inconditionnelle. L’abstention ou le vote contre des eurodéputés de La France insoumise provoquent une polémique en France, où leurs votes sont qualifiés de « honte » à gauche comme à droite.

« Si je devais choisir un seul mot pour dire le mal de notre temps, je dirais « islam ». Aucun phénomène n’a autant transformé le monde, ne l’a autant bouleversé, défiguré, perverti, terrifié », écrit Boualem Sansal, lauréat 2018 du prix international de la laïcité, dans cette Tribune publiée le 16 août 2022 par l’hebdomadaire L’Express :

https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/boualem-sansal-une-progression-vertigineuse-des-personnes-menacees-au-nom-de-l-islam_2178636.html

« À une exception près ou deux, les pays musulmans vivent tous dans un état d’arriération extrême, sous des régimes despotiques, corrompus, criminels, qui instrumentalisent l’islam dans leurs politiques intérieure et extérieure. » constate l’écrivain algérien.

Henri Dubost

Date de dernière mise à jour : 22/03/2025

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