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Mort d’Alexeï Navalny : Sa veuve, Ioulia Navalnaïa, « a décidé de se battre à son tour »

Ce lundi, Ioulia Navalnaïa a promis de poursuivre « l’œuvre » de son défunt mari, un changement de taille pour cette femme qui était jusqu'ici soutien de l'opposant politique numéro un du Kremlin.

Mort de Navalny : le destin très politique de son épouse, Ioulia Navalnaïa  – L'Express

«Poutine a tué le père de mes enfants [et] avec lui, il a voulu tuer notre espoir, notre liberté, notre futur. » Ioulia Navalnaïa ne s’est pas embarrassée de détours pour pointer du doigt la responsabilité du Kremlin dans la mort de son mari, Alexeï Navalny en Russie, dès son annonce vendredi. Malgré elle, et à la défaveur du drame qui la touche, la veuve de 47 ans se retrouve propulsée sous les projecteurs médiatiques du monde entier depuis l’annonce de la mort de l’opposant politique, exilé dans une prison de l’Arctique. Elle se trouvait alors à Munich, en Allemagne, à l’occasion d’une Conférence sur la sécurité.« Je voudrais que Poutine, tout son personnel, tout son entourage, tout son gouvernement, ses amis, sachent qu’ils seront punis pour ce qu’ils ont fait à notre pays, à ma famille et à mon mari », a-t-elle affirmé d’une voix ferme. Et d’ajouter : « ce jour arrivera très bientôt. » Jusqu’ici, la quadragénaire, personnalité publique de par l’engagement de son mari contre la corruption et le régime de Vladimir Poutine, s’était refusée à évoquer son avenir politique et se décrivait comme une épouse et une mère – elle a eu deux enfants avec Alexeï Navalny, Daria, 23 ans et Zakhar, 16 ans.

Ioulia Navalnaïa a « décidé de se battre à son tour »

« Elle n’a jamais été une figure politique indépendante. Elle a tenu un rôle de premier plan aux côtés de son mari pendant des années, elle était très présente, très active et elle a soutenu son combat, surtout après son empoisonnement en août 2020. Mais le rôle du numéro un est très différent de celui de numéro deux », prévient Anne de Tinguy, chercheuse à Sciences po et professeure émérite à l’Inalco. Ce lundi, Ioulia Navalnaïa a promis de poursuivre « l’œuvre » de son défunt mari. Un changement de ton notable.

« Son discours est très politique depuis l’annonce du décès de son époux, surnommé "Loup polaire", note Anne de Tinguy. Elle rend Vladimir Poutine personnellement responsable de la mort de son mari, elle l’accuse d’avoir tué l’homme mais aussi l’espoir, la liberté et l’avenir de la Russie et encourage les Russes à se battre avec elle. » Le message de la vidéo postée ce lundi sur X est limpide, Ioulia Navalnaïa « a décidé de se battre à son tour », note la spécialiste de la Russie. Ce lundi, elle est d’ailleurs allée à la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, à Bruxelles. Après leur rencontre, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a assuré que le président russe devra « rendre des comptes » pour la mort de l’opposant, alors que les autorités russes refusent de remettre le corps du « loup polaire » à ses proches.

Ioulia Navalnaïa semble donc prête à reprendre le flambeau d’une bataille acharnée contre le Kremlin. Presque malgré elle. « Je ne devrais pas être ici. Il y aurait dû y avoir une autre personne à ma place. Mais cette personne a été tuée par Vladimir Poutine », souffle-t-elle dans sa vidéo, vêtue d’une tenue sombre. Ce n’est pas la première épouse à se retrouver propulsée ainsi sur le devant de la scène. « On a tous en mémoire Svetlana Tsikhanovskaïa qui a pris la place de son mari dans la course à la présidentielle en Biélorussie quand il a été emprisonné. Après une élection que beaucoup de sources considèrent comme frauduleuses, elle est devenue la représentante de l’opposition biélorusse, en exil », rappelle Anne de Tinguy.

Un fragile flambeau à porter à bout de bras

Ioulia Navalnaïa, née à Moscou, quittera-t-elle aussi son pays ? « Si elle reste en Russie, il lui faudra reconstruire les réseaux de son mari, largement démantelés par le pouvoir. Elle sera aussi victime d’une répression qui ne fait que s’accélérer en Russie. Jusqu’ici, elle a été appréhendée à plusieurs reprises mais si elle prenait un rôle politique de premier plan, ça pourrait aller beaucoup plus loin », prévient la chercheuse à Sciences po. Le Kremlin bâillonne de plus en plus toute forme de contestation. Depuis vendredi, des centaines de personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir rendu hommage à Alexeï Navalny.

« Même le fait de déposer une fleur devant une stèle à la mémoire des victimes du Stalinisme est considéré comme de l’extrémisme par le pouvoir », souligne Anne de Tinguy. L’autre alternative pour la veuve serait donc de s’exiler à l’étranger, comme l’a fait la Biélorusse Svetlana Tsikhanovskaïa. « Mais les exilés ont un rôle politique très faible en Russie. Ils ne peuvent pas avoir d’activité politique dans leur pays et, aux yeux des Russes, ceux qui comptent restent sur le territoire », avertit la spécialiste. Mais qu’elle choisisse l’exil ou la répression, le combat de Ioulia Navalnaïa restera difficile. Car la lumière du flambeau ne pourra qu’être discrète dans un pays où « le régime poutinien est de plus en plus autoritaire et répressif », conclut Anne de Tinguy.

Diane Regny

 

Date de dernière mise à jour : 19/02/2024

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