Parmi les nombreux sondages réalisés en amont des élections européennes du 9 juin prochain, le dernier paru s’intéresse aux électeurs musulmans (Toluna, Harris Interactive, Challenges, M6, RTL). Qu’en retenir ? 38 % des musulmans interrogés comptent voter pour la liste LFI menée par Manon Aubry. Arrivent, ensuite, Glucksmann en 2e position (14 %) et Toussaint en 3e (8 %). À part ça, l’islamo-gauchisme « n’est pas une réalité scientifique », dirait le CNRS.
Y a-t-il un effet Gaza dans ce vote LFI ? Les attentats du 7 octobre 2023 et la riposte israélienne ont révélé les positions radicales et pro-Hamas des responsables et élus LFI. La clientèle des « banlieues » n’a pu qu’y être sensible. Mais à la présidentielle 2022, c’est 69 % qu’avait obtenu Mélenchon dans la communauté musulmane : on en est loin, avec ces 38 %. Le sondage montre que la question de Gaza n’arrive qu’en 4e position des thèmes « qui vont le plus compter aux yeux des électeurs musulmans », après le pouvoir d’achat, la santé et l’emploi : des préoccupations concrètes. La situation en Israël et à Gaza compte à peine plus que la question des retraites.
Le vote musulman, une notion contestée mais réelle
Les musulmans français ont longtemps été majoritairement socialistes. Leur soutien massif à Mélenchon s'est révélé au premier tour de la présidentielle de 2017 et s’est confirmé au premier tour de 2022. Pour autant, alors qu’on parle aisément du vote ouvrier, du vote catholique, les spécialistes hésitent à parler d’un « vote musulman ». Selon Mediapart, il s’agit d’ « un mythe », d’ « un vieux fantasme » (comprenez : d’extrême droite). « Il n’y a pas de déterminant islamique qui emporte le vote », explique le chercheur Haoues Seniguer.
Le fait est que, selon ce sondage pour les prochaines européennes, cinq partis se partagent le reste des intentions, à 5-6 % chacun : Lutte ouvrière, PCF, Renaissance, LR, RN. Une miette est laissée à Reconquête (1 %). Cependant, les musulmans affichent régulièrement une telle unité électorale que parler d’un vote musulman n’est pas illégitime, cela dût-il laisser paraître l’existence d’un poids communautaire : 95 % pour Royal en 2007, 86 % pour Hollande en 2012, 92 % pour Macron en 2017, 69 % pour Mélenchon en 2022 (1er tour), 85 % pour Macron au second tour.
Les médias et les spécialistes ne s’interrogent jamais sur la perception des élections qu’ont les musulmans dans une Union européenne non musulmane, et a fortiori dans une République laïque - comme si leur profil était le même que celui d’un gaulliste ou d’un rad-soc. Pour islamqa.info, voter n’a pas d’intérêt si le poids des musulmans dans le pays est insignifiant ou si tous les candidats sont hostiles aux musulmans. Dans le cas contraire, dès lors qu’on vote pour « la préservation des intérêts des musulmans », élire un « mécréant » est permis. Les intérêts de la communauté, c’est le point déterminant, aussi, pour islam.web.net et saphir.news : voter, c’est halal, car cela « contribue au bien commun de la société en général et des musulmans en particulier », explique Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne.
Laïcard, mécréant… et islamo-compatible
Les musulmans ont, en la personne de Mélenchon, le « mécréant » idéal puisqu’il sert leurs intérêts. Créateur, qu'il le veuille ou non, de l’islamo-gauchisme, il les drague depuis quinze ans. Avec, s’il le faut, la bénédiction et l’aide d’officines islamistes, ainsi que le révélait une note du Service central du renseignement territorial, en 2022. Non seulement il existe un vote musulman, mais il est influencé par les islamistes !
Une inconnue, dans ce sondage : l’attrait qu’aura la liste Free Palestine que compte présenter l’Union des démocrates musulmans français. Une liste qui fait de Gaza la question centrale - ce qu’elle n’est pas pour l’électorat musulman français. Mais Free Palestine défendrait mieux que n’importe quelle autre liste les intérêts de la communauté. Est-il temps, pour les musulmans français, de lâcher LFI ? Ou faut-il encore soutenir le vieux mécréant ? Le vote musulman aux européennes nous renseignera sur le mûrissement de l’islam politique en France.
Samuel Martin