En septembre dernier, l’armée ukrainienne prit possession des premiers chars de combat M1A1 Abrams SA [Situational Awareness] qui lui avaient été promis par les États-Unis après la décision de l’Allemagne d’autoriser la cession à Kiev de Leopard 2.
Pour autant, les 31 M1A1 Abrams SA ainsi livrés ne furent pas immédiatement engagés au combat par la 47e brigade mécanisée ukrainienne, celle-ci ayant estimé qu’ils n’étaient pas suffisamment protégés contre les munitions téléopérées [MTO]. En outre, il lui fallait tenir compte des contraintes logistiques, sachant que la turbine Honeywell AGT1500 qui équipe ce type de char est très gourmande en diesel.
Une fois dotés d’un blindage réactif explosif [ERA – Explosive Reactive Armor], les Abrams ont commencé à être déployés dans la région d’Avdiïvka [région de Donetsk, dans le Donbass]. C’est ainsi que, en février, il a été confirmé que l’un d’eux avait été détruit par une MTO russe.
Depuis, d’autres Abrams ont été mis hors de combat. Selon un haut responsable américain cité par le New York Times, le 20 avril, quatre autres chars ont été détruits. Également sollicité par le quotidien, le colonel autrichien Markus Reisner, qui fait un point hebdomadaire sur la guerre en Ukraine via la plateforme Youtube, a affirmé que trois autres exemplaires ont été « modérément endommagés ». Faute d’aide de la part de Washington [celle-ci, d’un montant de 61 milliards de dollars, vient d’être débloquée par le Congrès], on ignore s’ils ont pu être réparés.
Cependant, le site Oryx, qui documente les pertes russes et ukrainiennes, fait état de deux Abrams détruits et de deux autres qui ont été abandonnés après avoir été endommagés. Mais ce bilan est basé uniquement sur les photographies des équipements mis hors de combat diffusées via la réseaux sociaux.
Quoi qu’il en soit, selon la même source, 36 Leopard 2 ont, dans le même temps, été détruits ou endommagés. Ce bilan est-il plus élevé ? Sans doute… Mais s’agissant de l’Abrams, qui passe pour être l’un des chars les plus performants au monde, le fait qu’il soit plus vulnérable face aux drones que certains experts ne l’avaient initialement supposé « montre une autre façon dont le conflit en Ukraine remodèle la nature même de la guerre moderne », a estimé Can Kasapoglu, un analyste de l’Hudson Institute, dans les pages du New York Times.
Les drones en question sont le plus souvent de type FPV [First Person View, littéralement « vue à la première personne »]. Munis d’une charge militaire, parfois rudimentaire, ces appareils à bas coût permettent d’atteindre un char aux endroits où son blindage est le moins épais, c’est à dire au niveau du bloc moteur et à la base de la tourelle.
Cependant, il ne faudrait pas en tirer des conclusions définitives. D’une part, parce que ces drones FPV peuvent être aisément brouillés par des dispositifs de guerre électronique, voire détruits par des systèmes anti-aériens. D’autre part, parce que, comme l’a souligné Rob Lee, chercheur au Foreign Policy Research Institute, dans les colonnes de la revue Foreign Policy, un tel appareil, dont la précision est inférieure à 50 %, ne « tue » pas un char du premier coup. « Il peut en falloir dix ou plus », a-t-il dit.
Laurent Lagneau