Masques interdits, désorganisation totale, risques de contagion... Les policiers révoltés par la gestion de la crise du coronavirus par Charlotte d'Ornellas (Valeurs Actuelles).
Depuis mardi midi, les policiers sont chargés de faire respecter le confinement imposé aux Français. En première ligne, ils sont interdits de porter les masques de protections et déplorent le manque d’équipement, d’organisation, d’instructions et de considération.
« Si on était vraiment en guerre, on prendrait une branlée en quelques jours ». C’est par ces mots crus qu’un commissaire entame la description de la mise en place du dispositif de confinement à l’échelle de la police nationale. Depuis mardi midi, les Français ont le devoir de rester chez eux, sauf exceptions que certains policiers jugent déjà trop nombreuses et difficiles à discerner. « Une personne âgée qui marche, un jeune qui fait de la moto ou un troisième qui fait des tractions dans la rue… tous ont l’excuse du sport, c’est sans fin », décrit l’un d’entre eux après deux jours de contrôles. Concrètement, ils ne savent pas comment fixer la limite, ni même comment gérer ces amendes qu’ils sont désormais chargés de distribuer. D’habitude, tout se fait électroniquement, mais le logiciel n’a pas été mis à jour avec cette infraction. Résultat, ils remplissent des PV blancs « au doigt mouillé ». « C’est dramatique, on a aucune instruction, aucun matériel, rien. On se démerde », décrit l’un d’eux. A Paris, c’est même la mairie qui s’est étonnée de l’hésitation dont faisait preuve la préfecture de police. Mardi, le confinement commençait à midi. Le « plan de continuité de l’activité » est arrivé à 14h30, et le PV de verbalisation à 20 heures… Pas moyen de verbaliser avant ! Mardi soir, les autorités ont compris que la sensibilisation n’avait pas fonctionné, ils ont passé l’amende de catégorie 1 à 4, et les policiers ont commencé à faire leur travail.
Ils regrettent que le Président n’ait pas eu un mot pour eux, qui sont pourtant en première ligne pour faire respecter cette mesure essentielle à la régulation du travail médical. Ils peinent surtout à excuser le manque de cap. Amers, la plupart ne s’en étonnent même plus. Ils ont l’habitude de continuer leur mission sans reconnaissance. Mais cette fois-ci, tous réclament un minimum de matériel afin de mener la guerre. Car eux aussi ont un problème de masques. Concrètement, ils n’en ont pas alors que leur contact avec la population est évidemment pluri-quotidien. Sans compter les mauvaises interprétations des directions départementales, qui semblent très concrètement adapter la théorie à la réalité plutôt que de dire la vérité. C’est un mail de celle des Yvelines qui a mis le feu aux poudres. Les masques sont rares, et leur usage extrêmement limité par la direction générale. Dans un mail de la direction départementale de la sécurité publique des Yvelines, cela devient : « je confirme les déclarations du chef d’état-major qui viennent de m’être rappelées par la direction centrale : il est absolument proscrit de porter le masque sur la voie publique ou à l’accueil du public ». Dans la bouche des policiers, il devient « interdit de se protéger ». « Le virus est dangereux pour le monde entier sauf pour les flics français ? », interroge légitimement l’un d’entre eux. Pour le moment, aucune réponse. Pendant ce temps-là, 100.000 masques vont être distribués en prison, difficile de comprendre.
Les dizaines de vidéos qui circulent déjà montrent en effet des scènes d’émeutes, de disputes ou d’affrontements avec les forces de l’ordre dans certaines banlieues de l’immigration qui ont pris l’habitude de se faire une mauvaise presse.
Et pourtant, ces masques seraient précieux sur le terrain. Depuis mardi midi, l’immense majorité des Français a compris la consigne, limite drastiquement ses déplacements et se munit de l’attestation nécessaire pour sortir. Mais il reste une petite partie de la population qui s’en fiche éperdument. « Je ne vous fais pas un dessin, ce sont toujours les mêmes populations qui nous posent problème », se lasse un policier de la banlieue parisienne. Un policier parisien raconte un échange avec des jeunes qui refusaient de rentrer chez eux : « c’est Allah qui décide quand je meurs, pas le virus. » Les dizaines de vidéos qui circulent déjà montrent en effet des scènes d’émeutes, de disputes ou d’affrontements avec les forces de l’ordre dans certaines banlieues de l’immigration qui ont pris l’habitude de se faire une mauvaise presse. Lors de ses contrôles, ce policier raconte des scènes hallucinantes : « des jeunes continuent à sortir fumer leur chicha dehors, à plusieurs. Quand on arrive, ils font semblant d’éternuer, de tousser et nous crachent dessus. Sans gants et sans masques, vous croyez qu’on peut contraindre ces gens là ? » Sans se mettre en danger, non.
Mais le problème des masques seraient pourtant pour certains « l’arbre qui cache la forêt ».
Leur véritable inquiétude vient de l’absence totale d’organisation de leur travail et des risques de contagion qui vont avec. Dès le week-end dernier, tous les policiers ont reçu l’ordre de suspendre tous les dossiers en cours. Un membre parisien de la Brigade anti-criminalité (BAC) explique : « on ne fait plus que les violences aux personnes et les pillages que génèrent cette situation ». Finis les vols, les cambriolages ou les stupéfiants. A titre d’exemple, un arrondissement parisien qui enregistre 20 à 25 gardes-à-vues par jour en temps normal était à zéro hier. Résultat ? « On se fait chier », lance-t-il sans détour. S’ils restent mobilisés, c’est parce qu’ils craignent une explosion de cambriolages alors que beaucoup d’appartements sont désertés, ainsi que des pillages de pharmacies ou de supermarchés qui encaissent en ce moment beaucoup d’argent.
Mais plus grave que l’ennui, le risque de contagion : les policiers sont encore tous présents dans les services, malgré le confinement de quelques uns qui présentent les symptômes du virus. « Le soir, on retrouve nos femmes, nos enfants, le risque c’est l’explosion de malades dans les prochaines semaines », résume-t-il. Aucun roulement n’est aujourd’hui organisé.
Le niveau de désorganisation est hallucinant
Là encore, les ordres et contre-ordres sont légions. C’est dans un commissariat de la grande couronne que l’exemple est donné : « le niveau de désorganisation est hallucinant, entame un policier. Lundi soir, on nous demande de faire une rotation entre le chef de service et l’adjoint pour préserver les cadres d’une possible contamination en même temps. Mardi matin, on le met en place, et mardi soir, on reçoit un ordre contraire nous demandant d’être tous présents. Nos commissariats ont quasiment 100% de leurs effectifs, sans protection, alors que les missions ne le nécessitent plus du tout ». Y’a-t-il un pilote dans l’avion ?
Sans compter les commandes de la hiérarchie, que certains peinent très largement à comprendre. Ce mercredi matin, certains commissariats ont du envoyer leur adresse, leur numéro de téléphone et leurs horaires d’ouverture. N’est-ce pas déjà su ? Pour quoi faire ? Aucune réponse.
C’est géré comme si ça allait durer trois jours. Si dans un mois, tous les policiers sont contaminés, il ne faudra pas s’étonner.
Mardi matin, jour de confinement, on leur demandait de faire remonter le nombre de procurations faites pour le premier tour des municipales, comparés à celles de 2017, et de 2014. « Comme si c’était le sujet du jour… », s’agace l’un d’eux.
Tous comprennent qu’une telle mesure d’exception, prise très rapidement, soit difficile à mettre en place. Ce qu’ils ne pardonnent plus, c’est le manque de vision. « C’est géré comme si ça allait durer trois jours. Si dans un mois, tous les policiers sont contaminés, il ne faudra pas s’étonner. Ce serait une catastrophe, mais il serait trop tard », conclut un commissaire.